Se réjouir de revoir sa très très vieille amie. Lui préparer toute la matinée de quoi lui faire plaisir : du pain d'épices maison, des petits biscuits au chocolat, de quoi être fraîche et sentir bon, de jolies petites choses pour égayer son petit coin d'hôpital....
Imaginer avec impatience les retrouvailles, la conversation qui sera forcément gaie et animée...
Faire un trajet de plus de deux heures sous la pluie dense parce que l'on se perd et que le temps hostile vide les rues de toute personne susceptible de nous renseigner...
Enfin trouver un hôpital délabré, perdu au milieu de nulle part, entouré de champs boueux. S'y engouffrer gaiement les bras chargés de cadeaux, se perdre encore dans les couloirs remplis de vieillards hagards, sans trouver personne pour nous montrer le chemin et arriver enfin...
Trouver la chambre vide et s'asseoir sagement en attendant qu'elle revienne et...entendre des sanglots étouffés venant des toilettes, ne pas oser intervenir puis finir par frapper doucement à la porte sans que rien d'autre que des pleurs ne vous réponde...
Finir par entrebailler la porte et trouver sa vieille amie recroquevillée dans un coin, perdue, échevelée, méconnaissable, ne sachant plus où elle est, ni même qui elle est...
Bouleversée, l'aider bien sûr, la consoler, la ramener sur son lit, lui donner la becquée, parler comme si tout était normal en évitant son regard vitreux, lui tenir la main...
L'entendre vous demander qui vous êtes....et comprendre enfin que plus rien ne sera jamais pareil...
Où s'en va la conscience lorsqu'elle nous quitte ? l'intelligence, ce qui fait l'essence de l'homme, tout cela reste t il emmuré derrière la prison d'un cerveau malade ou disparaît il à jamais ?
Je ne veux pas croire que tout cela puisse s'évanouir du jour au lendemain !